Il est difficile d’avoir une estime de soi solidement ancrée compte tenu du surmoi collectif. Pour autant, ces limites permettent de vivre convenablement en société. L’enfance conduit à bien se tenir mais le prix à payer le plus souvent est une autodévalorisation. S’apprécier ne relève toutefois pas d’un leurre.
Interrogez-vous en vous arrêtant sur vos réactions et celles qui vous dépriment au plus haut point. Agissez à l’identique avec des proches qui voudront bien se prêter à ce test. Vous retrouverez une constante habillée de différentes manières : la peur. Elle peut se déguiser en conflits, en échec, en déprime mais, quoi qu’il en soit, cette émotion répond à une injonction intériorisée depuis les toutes premières années de vie : « Fais attention »…
Une appréhension récurrente
Si le danger réel existe, l’angoisse liée à une menace imaginaire finit par aboutir à un esclavage vis-à-vis de l’entourage. L’inconscient, comme pour mieux se déprécier, s’inquiète pour les autres. Le problème, c’est qu’on ne peut pas changer autrui !
• Aurore, 47 ans, sait que son fils de 17 ans, Loïc, fume des joints. Elle l’a élevé seule, le père étant parti dès l’annonce de la grossesse. Les résultats scolaires de l’adolescent sont désastreux et rien ne l’intéresse. Le climat à la maison se détériore. Après avoir essayé de le comprendre, après avoir englouti les ouvrages de Françoise Dolto, Aurore confie qu’un état de guerre permanent sévit sous son toit.
Le Docteur Laurence Pescay, psychanalyste, explique que cette mère se perd de plus en plus dans ce lien névrotique parce qu’elle ne s’aime pas. Elle projette sur son fils ce qu’elle fantasme être sa propre incompétence. Par identification, Loïc « épouse » la faille narcissique de sa génitrice, souligne le médecin.
Le triste principe de cette fracture avec soi envahit, sans répit, l’espace du quotidien.
• Antoine, 52 ans, souffre d’un ulcère à l’estomac. Il ne supporte plus que sa femme, cadre commercial, soit amenée à avoir des réunions tardives ou des séminaires qui l’obligent une fois par mois à dormir une nuit à l’hôtel.
Le Docteur Pescay analyse la somatisation d’Antoine comme étant la résultante de son complexe d’infériorité. Son dysfonctionnement émotionnel, ajoute-t-elle, provient d’une mauvaise image de lui-même qu’il a introjectée tout-petit par crainte de ne pas répondre aux attentes de ses parents.
Le corps d’Antoine, prisonnier de ses doutes injustifiés et répétitifs, lui parle au quotidien. Cependant, cette autopersécution ne pourra s’arrêter que lorsqu’il abandonnera ses croyances irrationnelles.
Une méthode positive
Toute vie humaine, accomplie, nécessite le compagnonnage de l’ego, précise Christine Campagnac-Morette, auteur de l’ouvrage « Yoga et estime de soi ». Ainsi est-il tout à fait réalisable de passer en revue nos capacités intrinsèques que nous voyons se manifester chaque jour. À ce sujet, la psychothérapeute Marie Borrel conseille de commencer la journée en pensant à soi ! La première pensée du jour, au réveil, dès que l’on ouvre ses paupières, écrit-elle dans son livre « 81 façons de cultiver l’estime de soi », aux Éditions Guy Trédaniel, influence souvent l’ambiance de la journée tout entière. Alors, autant s’efforcer de faire de chaque jour un jour utile et agréable, en commençant par penser à soi : ce que l’on va faire d’agréable, ce que l’on va découvrir de nouveau…, encourage-t-elle encore.
Cette sagesse peut sembler évidente mais elle bute contre l’éducation trop soutenue que nous avons reçue. Dans ce modèle éducatif familial et social, il fallait systématiquement faire passer les autres avant nous. Or, un résultat efficace exige de la mesure en tout.
• Sarah, 36 ans, est parvenue à sortir d’une culpabilité autodestructrice grâce à la psychanalyse. Elle évoque son étonnement toujours actuel malgré sa cure terminée il y a 10 ans maintenant : J’ai réalisé que j’excusais toujours les personnes qui me faisaient du mal. Mon thérapeute m’a fait comprendre qu’ayant été un bébé non désiré, bousculée psychologiquement par ma mère et battue par mon père, je savais que mes géniteurs ne m’aimaient pas. Pour vérifier que je n’étais pas aimable, j’ai attiré des copines d’école, puis des petits copains, des relations, des voisins, des collègues de travail, des amants, qui m’étaient hostiles…
Ce cercle infernal doit être impérativement banni car cette ambiance de détestation tous azimuts peut conduire à la maladie et même au suicide.
S’aimer, nous dit Marie Borrel, est plus qu’un droit : c’est un devoir. C’est à juste titre qu’elle insiste en transmettant un message essentiel : Ce n’est pas un amour que l’on prend aux autres, au contraire. C’est un amour initial, fondateur, qui nourrit tout le monde autour de nous. Une source de lumière bienfaisante… Par voie de conséquence, développer l’estime de soi est un acte altruiste par excellence ! Il suffit juste de prendre conscience de cette dimension pour modifier favorablement son scénario existentiel et de le décider dès maintenant…
Marianne Hérel